Article rédigé pour le site RHinfo : ici
Cet article est le deuxième d’une série de billets à paraître sur le site RHinfo, qui sont l’adaptation de la thèse professionnelle que j’ai rédigée sous l’intitulé « Il faut sauver le soldat RH ». Dans les prochains, je développerai les 3 piliers de la valeur ajoutée de la fonction RH pour servir l’Expérience Collaborateur. Stay tuned !
La « transformation numérique » de la société et des entreprises, impacte fortement les modes de travail et de collaboration, et par conséquent le quotidien des salariés. On pourrait s’attendre donc à ce que la fonction RH soit en première ligne du cadrage, du pilotage et de la mise en œuvre des projets liés à ces transformations.
Mais en fait, non.
Lorsque les Directions RH sont impliquées dans ces projets, c’est le plus souvent au moment de leur mise en œuvre via la formation, dans un objectif d’adaptation des compétences aux nouveaux outils numériques déployés. Et quand elles interviennent dans les étapes de cadrage, c’est plus sous l’angle des relations sociales que de l’accompagnement du changement.
Cela fait un moment que je me demande : Pourquoi ? Et surtout, comment faire en sorte de revenir « dans le game » ? comme disent ces générations Y que l’on cherche tant à séduire 😉
RH, ENCORE ET TOUJOURS UNE FONCTION DE GESTION ?
Depuis l’apparition du premier service du personnel (1862, Saint Gobain), la fonction RH a beaucoup évolué au sein des organisations, tant dans son périmètre d’intervention que dans son positionnement stratégique. Le périmètre des RH est étendu et varié, de l’administration du personnel à la promotion de la marque employeur, en passant par la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Les Directions RH sont devenues pluridisciplinaires, réunissant des compétences de gestion, de marketing, de communication, d’accompagnement du changement ou encore de négociation. Une palette large de compétences et de domaines d’intervention, sur un périmètre transversal à toute l’entreprise : un véritable atout pour se positionner en acteur stratégique des projets de transformation ? Oui, sur le papier.
Mais c’est peu le cas dans la réalité : depuis 30 ans les RH sont restées majoritairement une fonction de gestion (dans la réalité ou dans la perception), et il y a peu d’entreprises dans lesquelles les Directions RH jouent réellement ce rôle stratégique qu’elles devraient avoir.
AU FAIT, C’EST QUOI LA MISSION DE LA RH ?
Cela fait un moment que je m’interroge sur ce vaste périmètre de la fonction RH (oui je m’interroge beaucoup). Quel est le point commun entre un gestionnaire paie et un chargé de recrutement ? Entre un juriste en droit social et un responsable communication interne ? En terme de compétences mises en œuvre : aucun. En terme d’objectifs : aucun. En terme d’enjeu : non plus.
Alors oui, ils servent le même sujet : le collaborateur (NB : parfois avec des objectifs discordants d’ailleurs). Mais est-ce suffisant pour justifier leur rassemblement sous un même chapeau : « Direction RH » ?
Je trouve que le message que cette organisation envoie prêtre à confusion, pour les managers et les salariés, et peut-être même pour la DG : la mission principale de la RH est-elle de gérer la masse salariale, ou bien de garantir les meilleures conditions de travail pour les collaborateurs ?
Je n’ai pas l’impression que l’on se pose la question de la même façon sur la mission d’autres Directions au sein de l’entreprise… Peut-être faut-il commencer par là, par aligner son organisation avec sa mission pour une cohérence « lisible » par tous ?
Et je vois deux possibilités pour ce faire :
- soit splitter les Directions RH en deux : avec les fonctions liées à la gestion du personnel et la masse salariale d’un côté ; et les fonctions qui servent les enjeux liés à l’Expérience Collaborateur de l’autre, et qui donnerait naissance à une Direction à part entière. Mais les discussions que j’ai sur ce sujet avec des professionnels de la fonction, et mes lectures quotidiennes me font dire que la fonction RH n’est pas mûre pour cela. La généralisation des sujets et pratiques liés à l’Expérience Collaborateur fera peut-être se reposer la question dans quelques années. Wait and see ;
- soit se recentrer sur sa valeur ajoutée pour servir le projet d’entreprise qui, comme nous l’avons vu dans , devrait être l’Expérience Client. Définir sa valeur ajoutée et aligner son organisation, voilà qui devrait permettre à la fonction RH de s’aligner avec sa mission.
SE RECENTRER SUR SA VALEUR AJOUTEE
A moins que l’on définisse que la mission de la RH est la gestion, sa valeur ajoutée n’est clairement pas dans l’administration du personnel ou dans les autres tâches récurrentes et administratives de la fonction. Gérer des compteurs d’heures ou de jours, établir des bulletins de paie, compléter des déclarations obligatoires, établir des bilans sociaux,… ne servent pas directement le projet d’entreprise et les enjeux liés à l’Expérience.
Pour servir l’Expérience Collaborateur et s’adapter aux nouveaux enjeux de la transformation « digitale », la fonction RH doit se recentrer sur trois piliers qui définissent selon moi sa valeur ajoutée :
✦ la Qualité de Vie au Travail, pour Agir
✦ l’Accompagnement du Management, pour Mobilier
✦ le Sens, pour Fédérer
ENCOURAGER SA PROPRE UBERISATION
A l’heure de l’automatisation, si l’on considère que la gestion administrative est le cœur de métier des Directions RH, alors les Directions RH n’auront bientôt plus de métier !
Toutes les tâches dites administratives, issues d’un process récurrent et/ou chronophage, pourraient et devraient être automatisées afin que les professionnels des RH se concentrent sur cette valeur ajoutée.
Je précise ici que le « réservoir » possible d’automatisation ne vise pas uniquement les fonctions liées à l’administration du personnel. J’ai fait du recrutement pendant plusieurs années, et je peux témoigner que le recruteur n’a pas de valeur à apporter au tri de 300 CV ! Ma valeur ajoutée était dans la façon d’attirer ces CV, puis dans l’évaluation, la sélection des candidats, et le conseil aux managers.
Et à ceux qui craignent l’idée que ce soit un robot qui sélectionne les CV, laissez-moi vous dire que lorsqu’on en trie plusieurs centaines d’affilée, on peut dire que l’on est pas loin du robot : quelques secondes de lecture, le scannant pour repérer les mots clés et informations pertinentes, pour faire un premier tri sur lequel on revient ensuite pour affiner… si j’avais pu sauter directement à cette dernière étape, j’aurais sans conteste eu plus de temps pour le conseil aux managers par exemple, ou l’amélioration de l’expérience candidat !
En bref, on compte aujourd’hui en France plus de 600 startups RH, une offre innovante qui représente la possibilité pour les DRH de se recentrer et d’orienter leurs métiers et compétences internes, sur leur véritable valeur ajoutée.
Pour Conclure
On parle très souvent de « client interne » au sein des DRH. Si le collaborateur est un client interne, alors il va falloir lui apporter de la valeur ! Et pour cela, les DRH devraient aligner leur organisation avec leur mission, et ne plus être organisées autour de leurs processus (de recrutement, de relations sociales, de la paie,…) mais autour de leur valeur ajoutée, quitte à encourager leur propre ubérisation.