Article pour RH info diffusé le 20 juin 2023 ici
L’onboarding, tout le monde pense avoir fait le tour du concept.
Vous me direz, de prime abord, le concept paraît simple. On le résume en une expression que l’on répète avec la même conviction d’évidence que l’eau ça mouille : « on a qu’une fois l’occasion de faire une bonne première impression ». Évident.
Évident ? Peut-on prendre une minute pour comprendre ce que cette phrase signifie réellement ? Ce qu’elle dit, dans le fond, c’est que tout ce que le candidat a vécu et perçu de l’entreprise, et de ses (parfois très nombreuses) interactions avec celle-ci, pendant tout le processus de son recrutement, tout ce qu’il a perçu donc serait remis à zéro au moment où on le fait entrer dans le processus d’onboarding. Si ce n’est pas ça, comment aurait-il fait pour ne pas encore avoir de « première impression » alors ? Un CRT+ALT+SUPPR de tout ce qu’il a vécu jusque-là ?
Si je me permettais, je conseillerais aux lecteurs d’arrêter de dire cela parce qu’on pourrait croire qu’ils passent à côté du véritable enjeu de l’onboarding, et je leur conseillerais aussi de lire ce précédent article sur la continuité entre expérience candidat et expérience collaborateur (ici).
Tout le monde pense avoir fait le tour de l’onboarding donc, mais il reste de nombreux points qui font débat, et notamment la fondamentale question de quand commence l’onboarding et quand le finir ? Des questions loin d’être de simples jalons temporels d’un processus, mais qui sont l’expression même des objectifs que l’entreprise cherche à atteindre avec son onboarding.
Ça commence quand l’onboarding ?
On l’a longtemps restreint à l’accueil et au premier jour d’arrivée du nouveau collaborateur dans l’entreprise, et c’est évidemment un moment clef décisif. Le récent recruté y a souvent pensé pendant la période précédant son arrivée, il s’est projeté, il a stressé, il s’est posé des questions, s’est impatienté, bref c’est une journée chargée émotionnellement qui doit faire l’objet d’une attention et d’un traitement particulier de la part de l’entreprise, du manager, de l’équipe.
Mais pour un onboarding réussi, il faut faire commencer le dispositif bien en amont de cette journée.
Pour rappel, entre la fin du recrutement et son arrivée dans l’entreprise peuvent s’écouler plusieurs semaines, voire plusieurs mois. On a longtemps eu ici une sorte de « zone blanche » durant laquelle l’entreprise ne communiquait pas ou trop peu avec le candidat, plus vraiment candidat d’ailleurs et pas encore vraiment collaborateur non plus, laissant libre court aux doutes, aux questionnements, et aux plans B débouchant parfois sur des abandons de prise de poste.
L’un des enjeux de l’onboarding à ce stade est de commencer à intégrer le nouveau avant la prise de poste, on parle de pré-boarding. Je préconise donc de faire commencer le processus dès l’accord entre le candidat et l’entreprise, concrétiser le plus souvent par la signature d’une promesse d’embauche.
Comme je l’écris dans le livre « La petite boîte à outils de l’onboarding » (Dunod, avril 2023) : « Pas de fausse pudeur, il est en demande. Mettons-nous à sa place : s’il était en recherche d’emploi il doit avoir hâte de commencer, de se remettre en selle ; s’il était en poste, il a annoncé son départ, dans sa tête il ne fait déjà plus partie de son ancienne entreprise et aura envie de se projeter dans son nouveau projet chez son nouvel employeur ».
Il y a un argument pour ne pas commencer si tôt que j’ai souvent entendu : « mais, et s’il ne vient pas ? toutes ces informations qu’on lui aura fournies !! ». Une opposition de principe évidemment, car je ne peux pas croire qu’une entreprise transmette des informations sensibles et/ou confidentielles à ce stade de l’intégration… Il s’agira bien entendu ici de lui transmettre des informations facilitant sa future arrivée (ex : aspects pratiques) et sa future intégration au collectif (ex : fonctionnement de l’équipe, valeurs du collectif), rien de confidentiel ici.
Ces récentes dernières années, de nombreuses entreprises ont pris conscience de la nécessité de ne pas cantonner l’intégration à l’accueil de la première journée. Mais les dispositifs restent timides pendant le pré-boarding : envoi des valeurs, jeux et autres quizz pour faire connaître l’organisation,… Je ne dis pas que ce ne sont pas de bonnes initiatives, je dis que ça ressemblerait parfois presque à du « pré-boarding washing ». On fait un peu de superficiel pour se rassurer et dire qu’on fait, mais elles sont encore rares les entreprises qui vont plus loin dans les initiatives préparant la bonne intégration au collectif.
Ça se termine quand du coup ?
Quand considère-t-on qu’un collaborateur est intégré ? J’ai croisé de nombreuses façons de penser la question. Il y a l’arbitraire 15 jours ou 1 mois. Arbitraire parce que quand on cherche à comprendre ce délai il n’y a parfois pas de réelle explication en dehors de « faut bien terminer un jour ». Certes. Il y aussi des entreprises, notamment des cabinets, qui ont besoin de placer leurs collaborateurs chez des clients et dont l’intégration sera alors focalisée sur l’opérationnalité, dans ce cas les délais courts se justifient.
Il y a aussi un autre délai arbitraire, encore plus étonnant pour moi : la fin de la période d’essai. Étonnant car la durée de l’onboarding se trouve donc liée au statut du nouveau, la période d’essai d’un cadre étant plus longue, est-ce à dire que l’on considère qu’un cadre a besoin de plus de temps pour s’intégrer au collectif ? Dommage de priver d’envergure la question en la faisant ainsi trancher par une disposition conventionnelle.
Selon moi, pour déterminer la fin de l’onboarding il faut se rapprocher de ses objectifs : doit-il permettre d’être opérationnel sur le poste ou d’intégrer un talent sur le long terme ? Être opérationnel, c’est-à-dire pouvoir mener des actions de façon autonome sur son périmètre, se considère généralement autour de 3 mois. On pourra alors envisager cette durée pour le processus d’onboarding. On peut aussi considérer qu’il doit accompagner la montée en compétences et la maîtrise du poste, il durera alors au-delà des 6 mois.
Conclusion
Les confinements ont donné un véritable coup d’accélérateur à l’onboarding, pour intégrer ses nouveaux embauchés il a fallu formaliser un processus. Dans tous les cas, du fait du distanciel, l’impro n’était plus permise en la matière. On a alors entrepris les grandes manœuvres sur le sujet, pensant parfois que la digitalisation ferait à elle seule le job, ou que les effets Waouh et autre escape games seraient suffisant pour garantir une intégration au collectif sur le long terme.
Mais tout comme considérer qu’un manager qui dit « merci » est un bon manager, un onboarding qui dit « bienvenue » et fait se sentir attendu n’est pas suffisant non plus pour être un bon onboarding. Les entreprises ont beaucoup investi dans les premiers moments de l’intégration, et il n’est pas rare de constater que les processus d’onboarding ne prévoient plus grand chose après la 1ère ou la 2ème semaine d’arrivée.
Cherchant ce mirage de « première bonne impression » en priorité, on passe à côté de l’essentiel.
C’est ce qui m’a donné envie de consacrer un livre à ce sujet dont on pense souvent à tort avoir le fait le tour dans son entreprise. J’y développe 30 outils très concrets, qui commencent par les questions à se poser pour encadrer le processus d’onboarding, jusqu’à la première bougie couvrant ainsi la première année du nouvel entrant. J’ouvre également la réflexion à la fin du livre sur cette question de la fin de l’onboarding, y en a-t-il en fait vraiment une ?
Livre paru en avril 2023 chez Dunod : « La petite boîte à outil de l’Onboarding », en vente en librairie et en ligne (voir la page Amazon)